Zig zag par vaux et monts – 2e journée
De Prahins à Moudon, fermes, églises et châteaux
Prahins, ses fermes et son église
Prahins, point de départ de ma troisième journée, est évidemment pour moi un lieu chargé d’histoire ! Village d’origine de la famille Varidel, cité dès 1187 sous le nom de Prehens, son orthographe varie dans le temps : Prahyn, Prayen, …. Quant à mes ancêtres, la plus ancienne mention à ce jour est un Pierre Varidel, fils de Jeannot, cité comme témoin en 1420.
Au centre du village, il vaut la peine de s’attarder devant quelques belles fermes vaudoises ainsi que l’ancien Hôtel de la Croix d’Or (1), construit en 1905, exemple typique de Heimatstil. L’église aussi est digne d’intérêt ; non par son ancienneté – elle a été édifiée en 1900 – mais par son style, son mobilier et sa toiture. Son mobilier, sa très belle chaire en érable (2), surtout, a été réalisé par un artisan local, Louis-Philippe Waridel ; à la sortie de l’église, prenons le temps de lever la tête et d’observer l’architecture de Charles Bonjour et la toiture du clocher (3), en particulier la bordure de rive en terre cuite (4). Richement ouvragée, elle est exceptionnelle dans la région.
J’ai ensuite suivi l’ancien « chemin tendant vers Moudon » – selon l’appellation ancienne –, soit la rue Praz-Jaquet, puis la Râpette, au bord de laquelle on aperçoit encore d’anciennes bornes. On débouche alors sur le Grand-Chemin (la route cantonale actuelle).
Chanéaz et le tilleul de l’Indépendance
Traverser la route et entrer à Chanéaz; au centre du village, admirer quelques belles fermes, puis prendre la route du refuge, là où trois chênes ont été plantés en 2016, symbolisant les trois varaiantes orthographiques des Varidel : Varidel, Waridel, Vuaridel. On passe devant l’ancien Collège construit en 1873 et qui abrite une cloche fondue en 1675. Pas d’église à Chanéaz : un débat de plusieurs années en vue de la construction d’une chapelle entre Chanéaz et Prahins, pour laquelle chacun des deux villages aurait contribué, n’a pas abouti ; ceux de Chanéaz ne voulant pas financer suffisamment, c’est à Prahins que l’église a été construite !
En route pour le refuge, nous passons devant un gigantesque tilleul (5). Sur son tronc nous lisons : « En souvenir du Centenaire de l’Indépendance vaudoise, 24 janvier 1898 ». Scié dans la nuit du 18 au 19 mai de la même année, l’arbre de liberté sera replanté peu après !
Nous prenons à droite du tilleul pour nous diriger vers le refuge et passons devant le petit cimetière de Chanéaz. Le nom Varidel ne figure sur aucune tombe ; cela fait longtemps qu’il n’y a plus de Varidel à Chanéaz, pourtant encore lieu d’origine ! Un nom, cependant, attire mon attention : celui d’Eugénie Cornu, qui était née Varidel. A l’orée du bois, je propose un petit détour à droite pour faire une pause au refuge et vérifier si les 3 chânes poussent bien. Nous revenons ensuite sur nos pas et longeons la forêt en suivant le balisage jusqu’à Vuissens.
Vuissens, en terres fribourgeoises ; le château
Cette incursion dans l’enclave fribourgoise nous rappelle que les habitants de Vuissens ont toujours eu des contacts rapprochés avec leurs voisins vaudois de Chanéaz et de Démoret. La chapelle d’origine, disparue fin XVIIIe, faisait d’ailleurs partie de la paroisse de Démoret, avant la Réforme. La croix au sortir de la forêt (6) nous rappelle que nous sommes en territoire catholique.
Avant d’arriver au golf 18 trous, pour lequel Vuissens est bien connu, nous traversons le village-rue et pouvons admirer, sur le côté gauche, quelques très belles fermes datées du tournant des XVIII-XIVe siècles, sans négliger l’ancienne pinte « La Croix Blanche » qui a gardé son enseigne mais ne sert plus que de l’eau de pluie ! Un récupérateur est en effet installé sur la descente de cheneau, et un robinet permet de faire l’arrosage du jardin. Beaucoup de cachet, donc, en particulier le pavage de galets devant plusieurs fermes (7), et quelques outils agricoles anciens exposés.
Devant l’église, un tilleul commémore les 500 ans de l’entrée du canton de Fribourg dans la Confédération en 1481. Son ombre est bienfaisante et la pause bienvenue sur le banc installé à proximité. Je prends le temps d’admirer le château (8), d’origine savoyarde d’après l’infographie apposée par l’association « Le Chemin des Blés ».
La réalisation du golf, ouvert en 2001, a certes favorisé la conservation du château et de sa très belle ferme adjacente ; beaucoup de soin est apporté à l’entretien de la pelouse et du restaurant occupant une aile du château, mais une rénovation des murs extérieurs semble s’imposer dans un proche avenir.
Denezy, sa cloche, son église
Pour rejoindre Moudon, je reviens sur mes pas jusqu’à la sortie du village, place de la Poste, pour prendre ensuite la direction de Denezy : rue de la Crauja, petite route goudronnée qu’il faut suivre jusqu’à l’orée de la forêt. Là, être attentif pour bien continuer sur la même route de la Crauja, légèrement à gauche, qui devient un chemin creux recouvert de galets nous conduisant à travers bois. A la sortie de cette forêt, nous quittons le territoire fribourgeois, et le chemin continue de monter légèrement jusqu’à un point culminant à 800 m, d’où l’on aperçoit les premiers toits de Denezy.
Le village est comme composé de trois étages. L’église se trouve dans le troisième « étage » du village, plus bas. Le chemin s’y rendant est ponctué de plusieurs très belles fermes, certaines très bien entretenues. Après avoir passé devant la Cure, nous rejoignons la partie basse du village. Une visite de l’intérieur de l’église nous permettra d’admirer de belles fresques du peintre Louis Rivier (9). La plus belle vue de l’église (10) se prend depuis la route en contrebas, d’où l’on voit le chœur, percé d’une jolie fenêtre gothique, la nef un peu plus large, et enfin le clocher, comportant une sorte de rosace en bois, qui abrite une des plus anciennes cloches gothiques du Pays de Vaud remontant aux XIII-XIVe siècles. Le village lui-même est d’ailleurs attesté très tôt, en 929.
Avant de quitter ce joli village, rappelons que Charles Ferdinand Ramuz en utilise le nom dans le livret qu’il a écrit pour l’Histoire du Soldat, œuvre issue d’un conte populaire russe. Voici comment s’ouvre ce classique du théâtre, mis en musique par Igor Stravinsky, ami et collaborateur de Ramuz : « Entre Denges et Denezy, un soldat qui rentre au pays ».
Détour par Villars-le-Comte
La suite de mon itinéraire comporte deux détours … le premier : une boucle par un joli vallon bucolique, la forêt de Chalembert, puis retour par le Praduit et le Marais pour entamer un second détour par le village de Villars-le-Comte. Pourquoi ? Aucune raison très particulière ! Sauf que le village jouxte Forel-sur-Lucens où plusieurs Pidoux, alliés avec des Varidel, sont nés ; mais aller jusqu’à Forel aurait été un trop grand détour. Je ne regrette pas d’avoir marché un peu davantage ; au dessus de Villars-le-Comte, au lieu-dit « Champ du Bonhomme » on trouve un réservoir surmonté d’un point de vue et d’une table d’orientation (11). Beau coup d’œil sur la vallée de la Broye et les Préalpes fribourgeoises en particulier. Encore une particularité dans le village : un poids public, qui semble encore en fonction (12).
Vers Moudon, via Neyruz et la Cerjaulaz ; que de ponts !
J’ai suivi ensuite la route communale pour Moudon, qui descend de Villars-le-Comte jusqu’à Neyruz. Plusieurs belles fontaines permettent de se désaltérer et d’imaginer un bétail abondant. Une visite au Temple de Neyruz – la clé se trouve dans la serrure ! (11) – laisse à penser qu’il doit faire bon s’y rendre en hiver, et se tenir près du poêle suédois, flanqué d’une imposante caisse à bois.
En contrebas du village de Neyruz, je prends un chemin bétonné, à droite, avant les dernières maisons ; ne pas manquer le sentier – invisible dans les hautes herbes – qui longe le rideau d’arbres, sur sa droite, et débouche sur une magnifique bâtisse : la Cerjaulaz, belle ferme-château (12), encore propriété de la commune de Moudon. Traverser la route Yverdon-Moudon et suivre le chemin qui descend le long d’un ruisseau, en contrebas du château acquis par la commune en 1541. A la route principale, prendre en face un chemin agricole qui n’est autre que l’ancien tracé de la route rénovée à grands frais par Leurs Excellences de Berne entre 1781 et 1787. Un pont de belle facture (13), quoique peu visible parce qu’envahi par la végétation, traverse la Cerjaule ; prenez le temps de vous aventurer en contrebas, en aval, pour atteindre le bord du ruisseau et observer son arche, bien conservée.
Il faut ensuite remonter la pente et atteindre le niveau de la route cantonale, une nouvelle fois ; prendre perpendiculairement à celle-ci un chemin agricole qui va nous conduire jusqu’à Frémont puis Chermet, d’où nous apercevons l’ancienne capitale du Pays de Vaud savoyard (14) , terme de notre balade.