Jaques Vuaridel
Un parcours atypique
L’an mille sept cent cinquante cinq, et le dix-septième jour du mois de janvier, par devant le notaire soubsigné, et en présence des témoins sousnommés, se sont personnellement constitués et établys les honnêtes Samuel et Salomon Vuaridel, frères, de Prahin ; lesquels de leur bon gré ont confessé devoir justement au sieur Phillippe Degex, Justicier dudit Prahin, ainsy qu’administrateur des biens d’honn[ête] Jaques, ffeu David Vuaridel dudit Prahin qui est présentement dans les pays étrangers, assavoir la somme de trois cent cinquante sept florins, six sol qui dérivent pour le prix non payé de l’acquis que lesdits débiteurs ont fait dudit Sr Phillippe Degex au nom qu’il agit, d’une pièce de terre sise ledit Prahin lieu dit Devant le Bois à la fin de la Condémine pour semer environ 6 q[uarter]ons, jouxte la terre des hoirs de feu le sieur Jacob Degex, lieut[enant|, d’orient, et le commun d’occident ; item d’une autre pièce de terre sise rière ledit lieu à la fin de Curson dit Sirisiez, pour semer environ
cinq q[uarter]ons, jouxte la terre dudit Phillippe Degex au nom de sa femme, d’orient, celle de Gabriel Jaquier d’occident. Les actes de vente des susdites pièces stipulés par le soussigné cejourd’huy et quoy que la confession ÿ soit insérée d’en avoir receu le payement nonobstant si être que lesdits Vuaridel frères ont promis de payer la susdite somme de troiscent cinquante sept florins six sols en dégrave auprès d’honn[ête] Gabriel Gallandat de Rovray, habitant, avec l’intérêt dès ce jour, sous l’obligation de leurs biens et sous la spéciale hypothèque des susdites pièces acquisesqui resteront icy engagées jusques à entier payement. Fait et passé audit Prahin sous les autres clausules requises, en la présence des honn[êtes] Samuel, fils de Pierre Collon de Prahin, et Jean David Curchod de Sugniens, témoins. [paraphe] E. Jaquier.
Deux ou trois remarques seulement sur ce document (j’ai partiellement modernisé l’orthographe, tout en gardant quelques éléments pittoresques de l’original): à gauchel’annotation marginale qui atteste du paiement des intérêts (Solvi = j’ai payé ; inscription faite par un des acheteurs) jusqu’en 1760, année où, probablement, les acheteurs ontsoldé leur dette en versant le capital. On note également la mention « dans les paysétrangers » concernant Jaques Vuaridel.
La photo ci-dessous montre à peu près l’endroit où se trouvait la deuxième terrementionnée : A la fin du Curson, au Sirisiez (Au Cerisier), à peu près où se trouve le champde colza. L’aspect des champs était bien sûr très différent, les terres ayant été regroupées en champs larges lors du remaniement parcellaire de 1964. Sur la gauche, la bande boisée fait limite avec le territoire de la commune de Molondin.
Dernier signe
Le dernier élément nouveau est la lettre de Jaques Vuaridel parvenue à la Justice de Prahins (ACV, cote Bit 331, folios 3 à 14), dans un dossier d’une dizaine de pagescontenant les comptes de son tuteur et différents rapports et procuration à un nouveau
tuteur. La lettre est datée du 22 mai 1781 ; la séance de la Cour de Justice date du 21 juillet de la même année.
Londres, ce 22e May 1781
Monsieur le Châtelain Durussel,
Je prens l’occasion de Mr David Vallon de Mollondin de vous faire tenir la présente et vousprie de grâce de remercier messieurs de l’honorable Justice de ma part pour tous les bonssoins qu’ils ont eu pour moi depuis l’année 1710 qu’ils ont été mes gardiens pour me choisir des tuteurs ; à présent j’ai l’âge de soixante & quinze ans ; je me trouve capable par la grâce
de Dieu de me savoir conduire moi-même, ainsi que j’ai trouvé à propos de donner une procure à Mr David Vallon de Mollondin de agir comme bon il le trouvera à propos et convenable ; votre assistance pour le restant de mes intérêts de ce qu’il m’est dû, vous pouvez croire que cela me fera plaisir et que je m’offre à vos services à tout ce qui me sera possible.
De votre très humble serviteur
Jaques Waridel
1781
Le prononcé de cette séance de Justice a la teneur suivante : « Messieurs de cette noble Justice ayant entendu la lecture des lettres et procure produites et considéré que ledit Jaques Vuaridel est âgé d’environ 75 ans, qu’il a un établissement avantageux à Londres et que selon toutes les apparences il ne reviendra pas au pays, ils ont accordé au Sieur tuteur son déport et consentent que le Sieur Vallon puisse retirer du dit tuteur 388 Fl 6s.qui sont le solde de ses comptes approuvés ci-dessus, et se nantir en outre de tous les autres biens du dit Vuarridel (sic) pour en disposer à forme de la susdite procure et selon
l’ordre de son constituant. Ordonnant en conséquence que les dittes lettres & procure soient ici ténorisées pour y avoir recours au besoin ».
Tout en remerciant celui qu’on appellerait aujourd’hui le président du Tribunal d’avoir fait consigner la lettre de notre Jaques Vuaridel, je conclus en rappelant les éléments qui font que l’enquête n’est pas terminée !
• Il faudra élucider encore le mystère de son premier fils James John ; est-il celui qui devient fabricant de produits de blanchiment ? Son fils s’est-il lui-même marié ?
• La date exacte d’émigration ne nous est pas encore connue, non plus que les circonstances de sa faillite
• L’évolution précise des activités professionnelles de Jaques, en particulier sa
situation en 1781 qui fait dire à la Justice de Prahins qu’il a « un établissement avantageux à Londres ».
• La date de décès de Jaques Vuaridel manque aussi pour « clore le dossier » !